Leur arrêt sur Barter Bay ne devait durer qu’une journée, le temps de faire les provisions nécessaires et de rembarquer sans plus tarder. Arslan avait donné à chacun une mission, et Alaois avait été associée à Lucrezia - comme d’habitude il fallait bien le dire. Leur objectif ; ramener de quoi remplir les placards de la cuisine sans les intoxiquer. Elles avaient avancé du pont marchand jusqu’à la place des sans-couronnes, pour y trouver un endroit grouillant de vie. Sans doute le lieu le plus chargé de l’île, on y parle très fort pour attirer l’attention des clients et couper la concurrence qui répondait un ton au-dessus. Le nombre d’échoppes éphémères ne faisait que grimper au fur et à mesure de leurs passages et nombre de magasins bien installés devaient redoubler d’efforts pour garder leur fidélité acquise. Toute la population de Barter Bay se retrouvait sur cette place, peu importait leurs origines et besoins. Ici, on y trouvait des fruits, des plantes, des vêtements, ou encore de la marchandise plus ou moins recherchée par les marins intéressés.
Lucrezia à ses côtés, les mains dans les poches et l'œil sur les étales. Elles avaient toujours été en duo depuis que l'acolyte était arrivée dans l’équipage. Leur rôle commun au sein du Marauders n’avait que facilité leur alliance, mais c’était surtout l’arrivée de la belle qui avait tout lié. A l’instant où Alaois avait entendu Nehan se faire qualifier de grand dadet pas très intelligent, sa bourse pillée avec une déconcertante adresse, la cartographe avait juré d’en faire son amie. Cette dernière lui avait beaucoup appris sur l’art du vol, Alaois pas vraiment débrouillarde, s’en remettant beaucoup à ses illusions. Fallait bien dire que c’était toujours le cas, mais au moins, elle ne se faisait plus avoir si facilement quand elle fouillait une poche ou dérobait un étal. Et ces moments particuliers avec la belle, reconnaît qu’elle les appréciait particulièrement, toujours prête à envoyer bouler le premier qui les interrompait.

Mais ce jour-là, garde les doigts tranquilles car n’avaient pas pour mission de faire quoique ce soit d’illégal. Difficile pourtant de retenir son regard envieux quand remarque des parchemins à la qualité largement vantée par son commerçant. Avec ça, c’était certain, elle tracerait des cartes à n’en plus finir, des routes vers des rivages inexplorés rien qu’à effleurer le beau papier. Voit Lucrezia lever les yeux, enthousiasme pas vraiment partagé. Lui fait d’ailleurs comprendre qu’elles ne sont pas seules sur cette île, et encore plus au sein des sans-couronne. Mieux valait toujours rester aux aguets, même entourés de vieillards en pleine négociation et d’enfants s’échappant à la surveillance adulte. Mais les deux demoiselles se pensent de toute façon plus malines, car c’est d’habitude leurs mains entraînées qui s’occupent de piller les plus idiots. Seulement, tour bien rodé et sait bien qu’il faut se méfier du monde, mais ce petit garçon, avec sa voix fluette et son corps frêle, n’actionne pas la même garde que les autres. ≪ you drop your coin, ma’am ≫ qu’il dit en désignant les pavés, âme innocente venue là pour aider. Et tout se passe en un instant; à peine le temps de se baisser pour vérifier. Saleté d’ordure arrache le collier de Lucrezia qui s’est échappé du col.
Il part déjà en courant dans la foule, et les quelques secondes qu’elles perdent à réagir lui donnent une longueur d’avance. Se lancent aussitôt à sa poursuite, n’hésitent pas à bousculer allègrement les promeneurs tout en déversant flot de menace sur cet être malin; ne surtout pas le lâcher des yeux où s’enfoncera dans les ruelles sinueuses, perdu à tout jamais.
En plus de ça, Alaois ne peut utiliser son don car sa vision est perturbée par la foule si compacte en cet instant, et risquerait de créer une panique qui ne ferait que leur porter préjudice - personne ne souhaite se retrouver dans un essaim confronté à leurs cauchemars.

@Lucrezia Argyris
[crédit; pinterest]