enveloppée par la brume ondulant sous les rayons sélénites, sinclair se rend gardienne de l'incandescente. la carcasse s'est glissée dans les nuages d'une nicotine soyeuse. le tube épouse presque les lippes, ne les quittant que pour un souffle. des embruns, elle s'enivre, vilma, rêve de dessiner une longue traîne derrière elle en foulant de ses pas, le sable de la plage non loin. pourtant elle reste immobile, n'osant défier les chimères de la baie. elle redoute, sans l'avouer, les mauvais tours du disque plein. la grande dame pourrait-elle donc ranimer les fantômes de la nuit et déverser sur l'île le fiel qu'elle cultive contre les hommes. du haut de sa tour d'ivoire, elle les condamne sans doute aux souffrances solitaires. ces tendres vagues à l'âme qui se déchaînent, se brisent contre les os. de rouille, ils se couvrent, et gravent sur le squelette, les maux silencieux.
les instants de quiétude sont rares. comme la houle, ils s'échappent, glissent entre les doigts, ces lâches. elle a cédé aux illusions d'un rare calme olympien, vilma. le simple bruit des vagues pour accompagner ceux des allumettes embrasant son tabac. le cocon nébuleux s'efface au son des éclats de verres percutant le sol et des rictus étouffés.
"sorry lads it's closed for tonight." sans attendre que les coupables s'avancent, vilma sonne le glas des festivités. "c'mon love, small drink for us y'know, sure won't regret it." palabres articulées avec approximation. jeunesse grisée, matelots tête brulée voulant encore enflammer leur gosier. "what is it that you don't understand here? it's closed. now fuck off."
patience éteinte. elle fulmine contre les pantins sans consistance qui perturbent son repos. duo d'éperdus déjà ivres qui se fracasse contre les marches de l'antre, réclame avec ardeur les breuvages qui leur sont dus. ils s'approchent quand même, les rapaces, n'ayant que faire des acrimonies de la tenancière. elle se lève, soutenant l'avidité des mirettes, et repousse tant bien que mal les corps lourds, gavés d'éthanol.      
"i said. fuck o..."
mirage bravant l'obscurité, trahissant sa présence en écrasant les bouts de verre de ses semelles embourbées. l'enfant puni des dieux dévoile ses traits familiers, insensibles au passage du temps. carne livide, empreinte éternelle du styx qui a absorbé son être. le fils howler. ce qu'il en reste.   
"jesse?"
messager d'outre-tombe. transcendant le brouillard nébuleux, il porte sur son dos les murmures sordides qui virevoltent au-dessus de la tête des mortels. ces épées menaçantes dont la chute est promise. l'inévitable couperet rompant le dernier fil qui maintient les hommes en vie. les charognes s'enfuient à la vue de l'habit de faucheuse. alors, pupilles croisent les homonymes sans vie. l'autrefois marin grisé par la mer impétueuse n'est plus. gamin howler est ainsi vagabond, errant entre les vivants, fauchant les âmes sur son passage. elle a du mal à dissiper sa peine, vilma, incapable de refouler les souvenirs intacts des enfants qu'ils étaient. se réjouit-il de la mort glanée sur les vies échues ? ou les observe-t-il dans l'ombre, en souvenir de son existence perdue ?
"what are you doing here?"
encore une fois. tu ne devrais pas être là. balane s'accrochant aux racines des souvenirs. ceux qui s'éparpillent sur cette épave branlante. des miettes tout au plus qu'il poursuit, jesse. ces bribes qui souffrent d'avoir perdu leur ancrage dans la mémoire des deux gamins. bourgeons d'espoir fanés, n'ont qu'un écho dans les rêves que la fille sinclair voudra bien se remémorer. mais il est difficile d'apposer sur ces nouvelles rencontres quelconque poésie. elle y voit une mélodie macabre couverte de ricanements froids. les dieux, sûrement, qui se moquent de l'ironie de leur sort.  

@vilma sinclair
[crédit; vixen. code fiche, strangehell. icon]

dénuée de son humanité haillonneuse, c'est le sacre de la sauvagerie, objet de sa contemplation. théâtre de la cruauté lève le voile sur cette nature impitoyable et ses apostrophes véhémentes. derrière les portes de velours pourpre, il végète en émissaire des sommeils éternels. unique destin d'un bras armé dépourvu de raisons. de sa lame, il charcute les souvenirs de leur cervelle d'enfants. naît l'évidence qu'il est fragment du passé, un éternel bourreau glorifiant le néant. tambourine contre les parois fines de la poitrine une mélodie qu'elle ne reconnaît pas, vilma. friction d'un cœur qui vacille en silence ; la fille sinclair ne saurait piper mots.
l'hadès souffle alors, disperse la niaiserie de l'ivresse. et vautour plante son bec immonde, abat sa proie comme une vulgaire poussière. pâture dégueule viscères en pourriture. organes en fuite, il est déchet rendu à la terre gisant dans son étang poisseux. et sa bile visqueuse éclabousse les semelles de leur faucheuse. sous les billes inertes, le criard agonise. cruor infeste le dessous des ongles qui s'agrippent aux derniers instants. elle aurait pu être à sa place, vilma. un corps de plus vomissant ses tripes devant la bête sans grâce.
"i didn't wait five years to start taking care of myself, howler." i could die a thousand times knowing you will never come. l'ingrate feule son mépris, répugne l'apparition divine d'un ectoplasme blafard. marin feu follet a dérobé les pouvoirs de ceux qui passent, viennent, traversent les autres, parfois les touchent, avant l'évaporation. et la psychose est sempiternelle puisque le fantôme hante désormais le parvis de son épave, souillant les vestiges de son palais en ruine. se croît rempart à ses malheurs alors qu'il est celui au sommet de la pile.
"i know when i need to use it, thanks. they were not gonna hurt me anyway." drunken sailors crushing their souls. don't you see in your dead eyes how harmless they were. vieux revolver croupit sous le comptoir. conserve l'ultime terreur dans un tiroir fermé qu'elle n'ouvre qu'à de rares occasions, vilma. arme bibelot presque sacrée. un énième talisman qui crie son nom. howler, messie apathique aux élans sibyllins. des atermoiements qui la heurtent, vilma, lasse d'adjoindre à la brutalité absconse de ses actes, la froideur de ses mots.
"such a gentleman are you not? seems like you forgot a lot of things except being a jerk." courroux s’étale contre fossoyeur des sentiments. à chacun de ses pas, ce sont de nouvelles crevasses qu’il perce sur son myocarde craquelé. vilma l’exècre pour ce qu’il est, ce qu’il a oublié. l'existence fantôme et ses fragments de bonheur avorté. elle est illustre inconnue perdue dans les méandres de son âme. une goutte d’eau imperceptible dans l’océan de ses yeux. fuyardes les mirettes s'accrochent ailleurs qu'aux reflets amorphes, fixent la violence silencieuse. la carcasse abattue se révèle plus lénitive que la désolation qu'howler engendre par son seul passage. la certitude d'un désastre qu'il traîne comme des boulets ferrés à ses chevilles de bagnard.  
"why are you here? you could kill as many men as you want around the port without people flinching. or me knowing about your dreadful path. déroule sa misérable homélie en relevant le crâne, risque quelques pas vers la gorgone de marbre. démarche timorée détone quand elle pense aux étreintes chaleureuses qu'ils partageaient dès qu'ils se revoyaient.  so why do you choose to come here? what do you want from me? as far as i know, no one decided to put a price on my head so..." shall i believe you're just here to see me? to print in the bottom of your eyes a familiar picture of your lost life. déferlante masque avec peine les maux. car la tempête gronde dans les entrailles, mélange d'une ire amère bourrée de déceptions. elle est gamine en colère contre le monde entier. contre la perpétuelle agitation d'un univers déployant ses idéaux tyranniques pour enfermer la fille sinclair entre les serres du désespoir. aucune issue, comme si elle avait déjà enveloppée son âme d'un drap mortuaire. elle guette la venue du funeste soldat qui finira par lui ôter. la poigne d'un ami qui prouve qu'il y a de la beauté dans ce qui est et ce qui n'est plus.
"anyway... i'll get some stuff to clean, inside. don't go." supplique teintée de craintes qu'elle trébuche sur un mirage. que d'un souffle ses espoirs se révèlent chimériques et qu'il s'en aille, comme à chaque fois.